jeudi 1 janvier 2015

LA SELECTION DE L'ANNEE 2014

2014 n’a pas échappé à la règle de la surproduction qui gangrène le monde du 9ème depuis plusieurs années. Mais à l’heure de recenser les indispensables, seuls une cinquantaine d’albums sur les 5 000 et des poussières méritent que l’on s’y attarde. Ce choix est forcément subjectif quoi que …

Les séries cultes ont longue vie. Car si la reprise d’ « Alix » intitulé sobrement « Alix Senator », série créée par Valérie Mangin et Thierry Démarez n’en est qu’à son troisième tome, les aventures du plus célèbre des amnésiques, « XIII », en est au 23ème opus et son spin off « XIII Mystery » au 7ème. Ce dernier met en lumière Betty Barnowsky.
« Largo Winch » n’est pas en reste avec un 19ème tome où le plus beau parti du monde tombe enfin amoureux de celle qui doit le liquider.
« Blake et Mortimer », gentlemen créés en 1946 par Edgar P. Jacobs, reviennent quant à eux pour la 23ème fois, dans une histoire qui lève le voile sur leur amitié vieille de plusieurs décennies.
Enfin, s’il n’a pas encore la longévité de ses aînés, Solomon David plus connu sous le nom de « Soda », est revenu après 9 ans d’absence dans un 13ème opus que l’on n’attendait plus. Le prêtre va enquêter sur de mystérieux attentats en préparation dans le métro.

En 2014, les monstres sacrés de la BD ont également marqué l’actualité. En fin d’année, Jacques Tardi a sorti le deuxième volet de « Moi René Tardi, Prisonnier de Guerre au Stalag II B ». Dans cette histoire qui traite, une fois n’est pas coutume, de la guerre, l’auteur revient sur le passé de son paternel qui a eu la malchance d’être fait prisonnier par le IIIème Reich. Enki Bilal, l’auteur contemporain le plus côté, a clôt la trilogie du « Coup de sang » avec « La Couleur de l’Air », l’occasion pour lui traiter chaque case comme un tableau.
Enfin, François Boucq et Jérôme Charyn collaborent ensemble pour la première fois depuis 24 ans et « La Bouche du Diable ». « Little Tulip », paru dans la collection « Signé » du Lombard, a pour cadre l’enfer carcéral. Pour s’en sortir un jeune homme mise tout sur son don pour le tatouage. Ce qu’il pense être une protection par un caïd va vite s’apparenter à un pacte avec le diable.

L’aventure est l’un des thèmes de prédilection de la bande-dessinée contemporaine. Parmi les séries à succès, « Le Scorpion » occupe une place de choix. Le 11ème tome voit enfin le Scorpion découvrir la vérité sur son passé. Mais pas plus tôt apprend-t-il qu’il est un Trébaldi qu’il retrouve son père et son frère assassinés par un mystérieux personnage.
Autre blockbuster, « Okko », 9ème du nom, scénarisé et dessiné par Hub, dévoile le passé tumultueux du plus célèbre des ronins. Tandis que son maître envisage de prendre sa retraite, le moine Noshin raconte comment il a fait la rencontre il y a bien des années de la plus fine lame de l’empire du Pajan.
Dans un registre plus humoristique, le 11ème album de « De Cape et de Crocs » commence à nous dévoiler, enfin, les raisons qui ont conduit Eusèbe le lapin à être condamné aux galères.
« L’Epée d’Ardenois » du Belge Etienne Willem a également pour personnages principaux des animaux. Mais si le dessin n’est pas sans rappeler le « Robin des Bois » de Disney, les ressemblances s’arrêtent là. L’histoire de Garen et de ses compagnons voit en effet de nombreux belligérants passer l’arme à gauche. Ce troisième et avant dernier épisode remplit donc la charte déontologique de la série avec son quota de morts.
Le second cycle de « La Complainte des Landes Perdues » initialement dessinée par Gregorz Rosinski a pris fin avec ce 8ème tome qui clôt le cycle des Moriganes. C’est sur cet album que Philippe Delaby travaillait avant de nous quitter. Le dessinateur réaliste le plus doué de sa génération sera remplacé par la non moins talentueuse Béatrice Tillier pour le dernier cycle.
Dans la bande à Dufaux, Ana Miralles jouit d’une popularité sans faille. Il faut dire que l’Espagnole n’a pas son pareil pour dessiner les femmes. Après le Moyen-Orient et l’Afrique, Jade, l’héroïne de « Djinn » revient dans un 12ème album qui pour cadre le palais des Maharadjas. Sensualité et intrigue sont au cœur de ce huis-clos.
Beaucoup moins visible en librairie mais pour autant superbement mis en image par Edouard Cour, le deuxième tome d’ « Héraklès » est un petit bijou qui nous apporte une nouvelle vision du mythe. Le demi-dieu le plus célèbre de l’Antiquité poursuit ses 12 travaux qui lui permettront d’avoir une place de choix sur le Mont Olympe.
L’Antiquité est un thème bien à la mode en 2014. Appolo et Tanquerelle nous livrent un deuxième et dernier tome des « Voleurs de Carthage », le casse du siècle version guerres puniques. Ou plutôt, une tentative de casse du siècle en plein Carthage assiégé par les Romains …
A mi-chemin entre « Game of Thrones » et « Le Seigneur des Anneaux », « Servitudes » est la série qui renouvelle l’héroïc fantasy. L’histoire est ultra complexe mais au combien passionnante. Aux crayons, Eric Bourgier confirme qu’il est une valeur sûre. Ses planches sépia sont d’une beauté incroyable.

Parmi les exercices les plus délicats, se trouve l’adaptation. Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’original a connu un certain succès pour ne pas dire un succès certain. « Millenium », l’œuvre de Stieg Larsen fait partie de ces romans qui ont été porté au grand écran et apprécié par le public. Sylvain Runberg, a donc eu du pain sur la planche pour donner une nouvelle vision de cette histoire qui se déroule en Suède, pays qu’il connaît bien puisqu’il y vit une partie de l’année. Entouré de dessinateurs espagnols, le scénariste a clôt le second cycle avec brio. Autre belle suite issue d’un roman, le deuxième volet d’ « Elric » le nécromancien est aussi puissant graphiquement que le premier tome. La fragilité du seigneur albinos est accentuée par la grandeur des décors. Dans cette suite, Elric va tout mettre en œuvre pour retrouver sa douce quitte à devoir renoncer à son trône. Sa nouvelle partenaire de jeu va s’appeler Stormbringger, l’épée qui se nourrit des âmes des vaincus. Enfin, « La Colère de Fantomas » reprend un personnage bien connu au début du XXème siècle et popularisé par Louis de Funès. Mais à l’inverse du film, la bande-dessinée a fait le pari de rester fidèle à la version original faisant du maître du crime l’un des premiers super méchants. L’histoire, finement ciselée, permet à la dessinatrice Québécoise, Julie Rocheleau, de recourir à une palette inattendue.
Le célèbre « Moby Dick » de Melville a été repris deux fois, par Jouvray et Alary mais surtout par Chabouté dont la puissance de l’encrage accentue la folie du capitaine Achab.
Riff Reb’s a choisi pour sa part de continuer les récits maritimes avec « Hommes à la mer », un recueil d’illustrations et de courtes histoires d’écrivains. Le best-seller de Philippe Pulmann a été adapté en bande-dessinée par Stéphane Melchior et Clément Oubrerie. La série prend le nom du premier volume du roman : « Les Royaumes du Nord ». On suit une jeune fille, pensionnaire d’un collège, qui rêve de suivre les pas de son oncle, un célèbre explorateur parti vers les mystérieux Royaumes du Nord. L’ambiance est à mi-chemin entre « Harry Potter » et « Le Monde de Narnia ». Mathieu Burniat a quant à lui choisi d’adapter « La Passion de Dodin-Bouffant ». Il s’agit à la base d’un roman basé sur l’épicurisme. Ce roman graphique est vraiment l’une des excellente surprises de l’année tant par l’originalité du thème abordé, la nourriture, que par l’intelligence des choix de l’auteur dans son découpage et son traitement graphique.
Enfin, « Fatale » est un incontournable de 2014. Dans cette adaptation de Manchette, nous suivons une jeune femme qui a se mêle aux notables d’une ville afin de connaître leurs secrets et leur codes. Dès lors, elle peut dévoiler son vrai visage car elle est un maître chanteur qui n’hésite à éclabousser ses beaux vêtements du sang de ses victimes.

Du côté de la science-fiction, Denis Bajram a surpris plus d’un lecteur en proposant une suite à « Universal War One ». Désormais éditée par Casterman, la série, dont le tome 2 est paru en septembre, met l’accent sur les descendants de Kalish. Ils se retrouvent eux-aussi face à de mystérieux triangles, qui, comme les wormholes, annihilent la matière. « Urban » est une autre série SF qui cartonne. Le dessinateur Roberto Ricci n’est pas étranger à ce succès. Sa remarquable maîtrise de la technique de la couleur directe lui permet de donner vie à ce Las Vegas futuriste. Les multiples clins d’œil aux séries jeunesses des années 80 ont su séduire le public.

Dans un autre registre mais tout aussi attendu, le quatrième et dernier volet de « Blast » confirme que Manu Larcenet est l’un des grands de la bande-dessinée contemporaine. Son œuvre, noire, est assurément l’un des piliers du 9ème art des années 2010.
Julie Birmant et Clément Oubrerie ont eux-aussi marqué les esprits ces dernières années avec le fabuleux « Pablo » dont le quatrième tome est sorti en 2014. A travers les yeux de sa maîtresse, on découvre la jeunesse de Pablo à Montmartre, au bateau-lavoir, avant qu’il ne devienne Picasso. A travers le récit du personnage, c’est toute une époque et les artistes qui l’ont traversée qui nous sont présentés dans cette série intelligente, superbement mise en image.

Les amateurs d’humour ont été gâtés en 2014 puisque l’une des séries de l’année relève de cette catégorie. Il s’agit des « Vieux Fourneaux » dont deux tomes sont sortis à quelques mois d’intervalle. A l’enterrement de sa femme, l’un des vieux apprend que dans sa jeunesse, celle-ci l’a trompé avec leur patron qui coule des jours paisibles en Italie. Le sang de l’ex-syndicaliste ne fait qu’un tour et ni une, ni deux, il prend son fusil et sa voiture pour aller régler ses comptes. Ses vieux meilleurs amis, à la langue bien pendue, n’hésite pas et se lancent à sa poursuite pour l’empêcher de commettre l’irréparable. Zep, le papa de « Titeuf », revient lui aussi sur le devant de la scène avec un nouvel épisode de la série « Happy ». Il fallait s’y attendre, après « Happy Sex », place à « Happy Parents ». Il paraît que les enfants sont formidables … Cet album tend à prouver le contraire.
De son côté, Jul poursuit les aventures de nos ancêtre Néanderthaliens avec un cinquième album de « Silex and the City ». L’humour est omniprésent et l’on découvre que finalement l’histoire ne fait que se répéter.  Et si la météo a été à l’origine de la fin des dinosaures, elle est également au cœur du troisième ouvrage des « Aventures de Philip Francis ». La parodie officielle de Blake et Mortimer joue sur l’absurde et c’est particulièrement jouissif. Olrik, le méchant tente de modifier la météo sur Londres mais sa première tentative, faire pleuvoir en continu sur la capitale anglaise, n’a pas le succès escompté.
Trondheim et Bonhomme reviennent quant à eux pour le deuxième tome de « Texas Cowboys » dans lequel Harvey Drinkwater revient au bercail mais où le comité d’accueil n’est pas celui qu’il souhaitait. Sa lâcheté va lui permettre de rencontrer Butch la Framboise.

Enfin, de nouveaux albums ou nouvelles séries ont vu le jour en 2014 à commencer par « Périco ». Plus qu’un polar, ce diptyque voit la mise en œuvre d’une nouvelle collection chez Dargaud intitulée « ligne noire ». Philippe Berthet, dont l’élégance du trait n’a d’égale que sa noirceur, se voit confier la mise en image de récits scénarisés par les plus grands. Fabien Nury sera peut-être de l’aventure. Car le scénariste d’ « Il était une fois en France » n’a pas son pareil pour développer des histoires complexes qui séduisent un grand public. Fort de son succès avec Thierry Robin dans « La mort de Staline », il revient avec le premier tome de « Mort au Tsar ». On suit un homme qui suite à un geste mal interprété se voit être le bourreau de centaines de personnes. Proche du tsar, il devient une cible pour les contestataires de l’autorité. Encore vivant, il est comme déjà condamné auprès des siens.
« La Mondaine » de Zidrou et Jordi Lafèvre a également été une bonne surprise de l’année écoulée. Pendant un bombardement, l’inspecteur Aimé Clouzeau se remémore ses débuts dans la Mondaine, la célèbre brigade des mœurs. « Docteur Radar » a pour sa première apparition, été remarqué par la critique. Le trait nerveux de Bézian accentue le rythme de cet album dont le final laisse supposer qu’il y aura une suite. On revisite dans cet ouvrage les grands classiques des feuilletons policiers.

Enfin, 5 albums sont inclassables. A commencer par le « Léonard et Salaï » de Benjamin Lacombe. Construit autour d’éléments historiques, l’auteur peint, littéralement, le quotidien de de Vinci et de son jeune amant. Fainéant, sournois et androgyne, il a accompagné le Maître Italien pendant de longues années.
Mais jusqu’où ira le génie créatif de Marc-Antoine Mathieu ? Car l’auteur n’a de cesse de s’imposer des contraintes, qu’il vainc avec brio en témoigne « Sens », son dernier ouvrage. Tout au long de celui-ci, un personnage suit des flèches qui lui indiquent le chemin à suivre. L’auteur va jouer sur l’horizon pour nous dérouter.
Et que dire du « Buidings Stories » de Chris Ware ? L’objet est un ovni dans le paysage du 9ème art. Sous prétexte de nous raconter ce qui se passe dans les appartements de plusieurs immeubles, l’auteur va inventer de nouveaux codes de la BD, nous invitant dans une expérience de lecture rarement égalée. Cet album est un origami adapté en bande-dessinée.
Les immeubles ou plutôt la ville, New-York en l’espèce, sont au cœur du formidable « Robert Moses, la face cachée de New-York ». A fa façon du baron Haussmann, Moses a été le bâtisseur de la Grande Pomme, rasant d’un côté pour mieux bâtir d’un autre.
C’est à « La Technique du Périnée » qu’il revient de conclure cette sélection de l’année. Quand l’abstinence devient un (en)jeu pour un obsédé du sexe 2.0, le plaisir et la domination deviennent le centre du pouvoir entre un homme et une femme.

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